« Il faut s’adapter !«
Qui se souvient des lois Auroux ?
« Les travailleurs doivent être des citoyens à part entière dans l’entreprise ».
Promouvoir la démocratie économique, pour renforcer la démocratie politique.
Ces lois sont le socle de nos instances de représentations du personnel, bien qu’elles aient été détricotées depuis, et que leur auteur risque d’être rangé dans le camp de l’extrême gauche sur les antennes de France Télévisions.
La démocratie reste donc la référence ultime de nos sociétés occidentales, et elle n’est jamais autant brandie que lorsqu’elle disparaît et laisse place à d’autres formes de régimes dont on ne connaît pas encore le nom.
Certains parlent de néolibéralisme autoritaire ou d’illibéralisme. D’autres de démocratures.
La séquence de la mobilisation contre la réforme des retraites montre en tout cas qu’un président érigé en guide suprême peut utiliser tous les ressorts de la démocratie parlementaire et de la Vème République pour passer outre la volonté populaire.
Il y a quelques années, le citoyen français pouvait bien sentir un certain décalage entre la démocratie telle qu’il la vivait dans les institutions démocratiques de son pays et celle à laquelle il était censé participer dans son entreprise.
Maintenant, ce n’est plus le cas. Mais ce n’est pas l’entreprise qui s’est démocratisée, c’est le pouvoir politique qui s’est transformé en gouvernance managériale.
Il y a dorénavant une coïncidence, ou peut-être même une connivence entre le politique et l’économique, lorsque le gouvernement érige en modèle le management d’entreprise pour diriger la start-up nation, avec son lot de violences symboliques, de harcèlements moraux et ses situations de subordination propices à l’éclosion des comportements pervers narcissiques.
Oubliées les lois Auroux. Cela fait belle lurette que les patrons ne feignent même plus de prendre pour modèle la démocratie libérale pour l’organisation de leur entreprise. Les ordonnances Macron et les lois qui en découlent ont fini d’enterrer ce qui permettait encore aux salariés et leurs représentants de prendre part, même à la marge, aux décisions de leur entreprise.
Alors, que faisons-nous là direz-vous ? Nous qui avons été élus, nous qui sommes censés représenter ce qu’il reste de démocratie en entreprise ?
Nous n’allons pas défendre le référendum d’entreprise bien entendu, qui permet à un patron de passer outre des majorités syndicales pour faire accepter des accords minoritaires, version populiste de la démocratie d’entreprise.
Nous n’allons pas nous contenter de ces ateliers, ersatz de démocratie participative, destinés à faire croire que les salariés ont voix au chapitre alors que la direction ne retient que ce qui coïncide avec ses plans ! Comme pour le projet Tempo ou les pseudo « ateliers démocratie » de la précédente direction de l’Information !
Nous n’allons pas prendre possession de l’outil de production et instaurer des soviets d’entreprise. Quoique… Notre Secrétaire Général, Sophie Binet, parle de « reprendre le pouvoir sur les patrons dans les entreprises »… Mais elle ne dit pas comment. A nous de définir la méthode.
Les salariés de FTV n’en peuvent plus de ces décisions qui tombent du haut d’une direction soi-disant éclairée, de ces réorganisations qui s’enchaînent malgré les alertes et les saisines des représentants du personnel sur les risques psycho-sociaux.
Les élus ont beau donner des avis, faire des comptes rendus, demander des expertises, la direction avance, tel un bulldozer, et ne recule que lorsqu’elle lit les lettres TS sur son ordinateur.
« Il faut s’adapter » nous dit-on, dans une transposition de la théorie darwinienne de l’évolution à la compétition économique. Et tant pis pour les plus faibles, ceux qui ne suivent pas le rythme imposé par les transformations technologiques, qui ont l’audace de s’attacher à des métiers qu’ils aiment et qu’ils voient s’appauvrir de jour en jour, vidés de leur sens. Dans ce grand remue-ménage, la DSQVT a des allures de pansement sur une jambe de bois de grand blessé.
Il suffit de se pencher sur l’histoire du XXème siècle pour savoir que le darwinisme social a conduit à des horreurs. L’idéologie du « il faut s’adapter » n’en est qu’une version édulcorée.
Plus récemment, elle est réapparue sous la forme d’une politique managériale d’instabilité permanente dans une situation de réduction des effectifs, pour « secouer le cocotier », avec les conséquences que l’on sait… Relisez le procès France Telecom…
Il n’y a qu’une véritable démocratie d’entreprise qui puisse éviter cela : redonner plus de pouvoirs aux salariés, écouter leur malaise quand il s’exprime et pas quand il est trop tard, rétablir les prérogatives des CHSCT, reprendre le contrôle sur les choix technologiques pour adapter l’outil à l’humain et non l’humain à l’outil, instaurer des procédures d’info-consultation sur les méthodes de management.
S’il y a un chantier à ouvrir d’urgence, c’est bien celui-là, plus enthousiasmant, même pour une DRH ou une dirigeante d’entreprise, qu’une sempiternelle réorganisation de tuyaux de poêle.
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