Quoi qu’il en coûte
Une nouvelle fois le pays est plongé dans l’injonction paradoxale par un pouvoir politique manifestement débordé par la crise sanitaire. « Restez chez vous, allez travailler », nous demande-t-on, avec son lot de conséquences aberrantes.
Le travail à domicile est une obligation mais on renvoie dans les entreprises plus de 70% de salariés qui ne peuvent pas télé travailler.
Les établissements scolaires restent ouverts et 12 millions d’élèves et 900 000 enseignants vont continuer à se croiser dans des classes surchargées où la moyenne dépasse en lycée les 35 élèves, sans aucune protection sanitaire.
Les commerces de proximité sont fermés et les grandes surfaces ouvertes alors qu’en Espagne, pour le même objectif, c’est exactement contraire qui s’applique.
Le brassage massif de population va évidemment permettre à la pandémie d’accélerer encore sa cadence stupéfiante. Plus de 50 000 contaminations détectées par jour (et combien en dehors des radars qui sont présents partout dans les entreprises, les transports, les écoles et les familles ?), des hospitalisations qui progressent à un rythme effréné, (plus de 25 000 à ce jour) et parmi elles, les cas graves qui se multiplient en réanimation (3878 personnes dont 469 supplémentaires sur les dernières 24H).
A ce jour, les malades du COVID occupent 76,5% de la capacité totale de nos lits de réanimation et le nombre de décès hier était de 426 à l’hôpital, 428 en EHPAD soit 854 en tout, plus qu’aux USA, en Inde ou au Brésil qui étaient jusqu’alors au cœur de la pandémie.
Notre système hospitalier est au bord de la rupture. C’est le résultat des politiques successives de casse de l’hôpital public français, un des meilleurs aux monde dans les années 2000, et qui pourrait voir, en 2020, des milliers de malades privés de soins, faute de personnel, de matériel, de lits… une situation qui rappelle celle de l’Italie en mars dernier. Les projections des épidémiologistes situent à début décembre le pic de besoins en réanimation. Or notre système de santé, exsangue, pourrait être saturé d’ici 15 jours. Que se passera-t-il alors pour ces milliers de cas graves que l’hôpital ne pourra plus prendre en charge ?
Dans le même temps, à France Télévisions, la vie continue, comme avant le re-confinement, parfois avec plus d’intensité. Hormis les fonctions supports, placées en télétravail, des directions entières comme celle de l’information ou de la Fabrique sont présents quasiment en totalité sur site.
Lundi 2 novembre, au Siège, soit trois jours après le début du confinement, 550 couverts ont été enregistrés au restaurant d’entreprise quand la moyenne la semaine précédente était de 500 couverts. Et ce chiffre ne tient pas compte des prestataires extérieurs, les « invisibles » de la sécurité, de l’immobilier, du nettoyage, qui comprennent plusieurs dizaines de personnes, et qui le plus souvent ne déjeunent pas au restaurant d’entreprise.
La direction a fait le choix du maintien des antennes, des tournages, des éditions d’information, à l’identique, pour se conformer à l’injonction du gouvernement de continuer les activités… Quoi qu’il en coûte ?
Ainsi, au regard d’une actualité brulante, on augmente la durée du JT de France 2 d’une demi-heure. Une équipe est envoyée aux Etats Unis, une émission spéciale est organisée sur le plateau de France 2, une Nuit américaine jusqu’à 6H30 du matin sur le plateau de France info, un déploiement de moyens considérables, pour un non stop inédit qui occultera France 24.
Les JRI, basés à domicile lors du premier confinement, sont désormais priés de venir sur site. Le montage à distance, pourtant largement testé en de multiples endroits, est à nouveau remis en question, chaque chef de service étant chargé de distinguer l’actualité « chaude », à monter sur place, de l’actualité « froide » qui peut se faire à distance.
Les plateaux et régies du Siège sont à flux tendus, la mutualisation bat son plein. Ici des salariés sont obligés de se nourrir sur leurs postes de travail, dans des espaces confinés, ailleurs le car de Lille est garé dans la cour du Siège : on imagine 12 heures de travail pour diffuser en direct ou enregistrer 4 émissions à la chaine, masqués, stressés dans cet espace resserré.
Pendant des semaines, l’évolution de la situation épidémique à France Télévisions nous a été transmise quotidiennement par la communication, avec un nombre de cas diagnostiqués longtemps de 9 cas au Siège, jusqu’à une envolée de 19 puis 20 cas le 21 octobre. Depuis, curieusement, silence pudique. Où en sommes-nous ? Combien de malades du COVID, de cas contact, de guérisons, dans quels secteurs ? La direction nous doit la transparence.
Ce CSE sera l’occasion de faire le point de la situation qui, compte tenu de l’affolement des chiffres et de l’incapacité à endiguer la progression du virus, devrait probablement évoluer, dans les semaines qui viennent, vers un confinement beaucoup plus radical. Qui pourra encore soutenir la poursuite à l’identique de l’activité économique, l’ouverture des établissements scolaires, quand le nombre de morts quotidiens dépassera ceux d’avril dernier ? Dans l’immédiat, pour ce qui nous concerne, il faut impérativement trouver les moyens, à travers un plan de continuité de l’activité adapté, de contribuer à la lutte contre la pandémie, de limiter les risques en faisant baisser le nombre de salariés présents sur site au Siège. Quoi qu’il en coûte.
Paris, le 4 novembre 2020