Changement de têtes, changement de cap ?
Delphine Ernotte, première PDG de France Télévisions à être reconduite à ce poste. Le choix de la stabilité et de la continuité selon le CSA. La CGT de son côté a toujours critiqué la trop grande précarité des mandats des PDG de l’audiovisuel public par rapport à ceux du privé. Mais on attendra un nécessaire correctif aux orientations pour l’entreprise, en particulier sur la trajectoire économique, violemment impactée par la crise sanitaire, et ses conséquences sociales sur l’emploi et les conditions de travail.
On peut souhaiter que ce nouveau mandat soit placé sous le signe d’une modernisation sociale, et pas seulement d’une transformation qui réduirait le progrès à sa composante technologique. Transformer l’outil de travail doit aller de pair, dans la négociation, avec le changement des modes de management, des méthodes de dialogue social et de l’organisation du travail.
Les citoyens sont en attente d’une télévision publique moins élitiste, plus proche d’eux, plus à l’image de la société et plus déterminée à faire entrer une vraie diversité sur les antennes comme dans les équipes.
Les salariés qui font cette télévision sont en attente d’une gestion plus humaine et plus équitable. Moins de caporalisation, moins de précarité moins d’externalisation et de sous-traitance, plus de prise en compte de l’humain, des risques psycho sociaux, de la charge de travail. Redonner du sens au travail, dans tous les métiers, doit redevenir la priorité.
Une gouvernance bouleversée
Que penser du bouleversement de la gouvernance annoncée cette semaine ? Le remplaçant de Takis Candilis à la tête des antennes/programmes a beau dire vouloir « s’appuyer sur un orchestre de professionnels » et ne pas voir de grand changement dans son ascension, nul doute que Stéphane Sitbon s’inspirera de la télévision norvégienne qu’il considère comme un modèle à suivre : un mixte d’expansion du numérique et de déclin du linéaire, en vue de concurrencer les plateformes Netflix ou HBO. C’est dans ce contexte que l’entreprise enregistre la suppression de France Ô et celle de France 4, seulement repoussée d’un an.
La promotion éclair de Laurent Guimier à la tête de l’information de FTV interroge. Embauché en juin pour diriger Franceinfo, celui qui en avait piloté la création côté Radio France, travaillera probablement au rapprochement avec son ex entreprise et à la progression de l’information dans le numérique. Saura-t-il redonner à l’information nationale la dimension critique qui lui fait si cruellement défaut ?
Les salariés de Franceinfo qui vont avoir leur quatrième directeur en quatre ans se sentent dépités par cette instabilité alors que les questions d’amélioration des conditions de travail, d’effectifs et de salaires ne sont toujours pas réglés.
L’arrivée de Laurence Mayerfeld à la DRH et à l’organisation entrainera-t-elle le nécessaire appel d’air pour donner du contenu au dialogue social de haut niveau inscrit dans certains de nos accords fondateurs ? Celui du 7 mai 2019 sur le déploiement du projet d’entreprise et celui du 11 juillet 2017 sur la qualité de vie au travail et la qualité du travail au quotidien. Pour nous, la négociation sociale en mode dégradé, sous prétexte de COVID, n’est plus acceptable, ni les petits calculs tacticiens d’une direction du dialogue social trop encline à choisir ses interlocuteurs.
Reprise de la crise sanitaire
La reprise de la crise sanitaire impacte les conditions de travail au Siège. Le télétravail est à nouveau recommandé, sans que les dispositions contenues dans l’accord en vigueur soient connues et donc appliquées par une partie de l’encadrement. Un travail de pédagogie s’impose.
Certains apprécient, parfois pour échapper à une hiérarchie trop pesante et tatillonne, d’autres vivent douloureusement leur isolement et des conditions de travail pas toujours adaptées.
Au Siège, le retour massif des salariés des rédactions et de la Fabrique interroge beaucoup de salariés sur les risques de contamination, surtout lorsque le port du masque et les gestes barrière ne sont pas suffisamment respectés.
Il y a aussi la question des tests de dépistage dans un contexte d’augmentation du nombre de salariés positifs au Siège. Compte tenu de la difficulté de réaliser des tests PCR ou sérologiques à Paris, pourquoi l’entreprise ne facilite pas l’accès aux tests de dépistage pour ses salariés demandeurs ? Pourquoi FTV « opérateur d’importance vitale », ne suit-elle pas l’exemple de plusieurs entreprises qui ont passé des accords avec des laboratoires spécialisés ou avec l’Hôpital Européen Georges Pompidou, situé juste en face du Siège ?
Prime COVID
On peut comprendre, compte tenu de la période très éprouvante que nous connaissons, qu’il y ait une attente de reconnaissance pour tous ceux qui se sont mobilisés pendant la crise sanitaire et qui ont permis d’assurer la continuité du service public. Mais comment attribuer des primes quand on n’a pas les sous ?
La direction a trouvé l’astuce en réduisant l’enveloppe des mesures individuelles de 30%. Un système de vases communicants qui va pénaliser tous ceux qui espéraient une augmentation ou une promotion cette année.
Un budget de 3,2 millions d’euros est donc fléché « prime COVID » mais sur quels critères, pour quel montant ? C’est l’opacité la plus totale, la DRH s’est refusée à communiquer les modalités de répartition des primes laissée « à l’appréciation des managers ».
En fait, la prime COVID est une aubaine pour la direction qui cherche depuis des années à développer le système de primes et bonus au détriment des augmentations générales comme des mesures individuelles pérennes. Elle transforme ainsi une augmentation, que l’on garde chaque année en une prime qu’on ne touche qu’une fois.
Gestion brutale des ressources humaines
Enfin la CGT souhaite revenir sur le licenciement d’un salarié survenu à la mi-juillet par la direction des finances de FTV.
Chef comptable et chef de service, responsable d’une équipe d’une quinzaine de personnes, il s’occupait de suivi des facturations. Suite à la réorganisation de la direction financière, son poste a été supprimé, il a dû postuler à un nouvel emploi.
Toujours comptable, mais sur un profil de poste tout à fait différent. Il a pris possession de son nouveau poste trois mois avant le déclenchement de la crise sanitaire et la mise en place du télétravail. Début de l’enfer. Son encadrement ne cesse de lui faire des reproches, les pressions son incessantes, peu à peu il perd pied en cette période de pandémie. Il est convoqué à un entretien préalable puis licencié à la mi-juillet.
Un licenciement en pleine crise sanitaire, en période de travail à domicile très éprouvante, surtout pour quelqu’un qui étrenne un nouveau poste. Révélateur d’une gestion brutale et indigne d’une entreprise de service public. Nous avons été saisis d’autres cas de procédure disciplinaire en contexte de télétravail. Nous demandons la réintégration du salarié concerné.
Nous espérons que ce nouveau mandat pour Delphine Ernotte et sa nouvelle équipe de direction ne se limitera pas, comme souvent, à un exercice de communication. Que France Télévisions entre véritablement dans l’ère de la télévision et du global média citoyen, au service de la démocratie, du pluralisme, de la diversité et du développement durable.
Paris, le 9 septembre 2020