Allo l’Élysée ? Qu’est-ce qu’on passe ce soir à la télé ?
La presse s’en est fait l’écho : à quelques semaines de la désignation du ou de la futur-e PDG de FTV, Delphine Ernotte a procédé à deux nominations d’envergure ainsi qu’à une surprenante création de poste. Diego Bunuel comme directeur des programmes et Laurent Guimier, comme directeur de Franceinfo, en lieu et place d’Alexandre Kara, nommé directeur délégué aux contenus politiques de l’information… ça ne s’invente pas !
Un poste qui fleure bon les années Peyrefitte, quand l’Élysée validait chaque soir le conducteur des journaux du 20H…
Bien entendu l’énormité de la chose a provoqué une levée de bouclier immédiate de la CGT et donné lieu à un spectaculaire rétropédalage de la direction de l’information jurant ses grands dieux que jamais au grand jamais cette initiative surréaliste n’aurait pu traverser ses esprits éclairés.
Nos collègues du Figaro et du Monde n’auraient donc pas pris l’élémentaire précaution de vérifier leurs informations ? Alexandre Kara lui-même aurait-il été saisi d’une bouffée délirante quand il a confirmé ses nouvelles fonctions au journaliste du même Figaro :
« Nous sommes dans un moment très particulier, où le pays doit répondre à des défis démocratiques. La période est passionnante mais aussi passionnelle, et France Télévisions doit plus que jamais remplir ses missions de service public : défendre les valeurs républicaines, développer le décryptage et la pédagogie autour de la politique, lutter contre les “fake news”, renforcer le pluralisme, mettre l’accent sur la diversité. D’autant que la politique est largement délaissée par les chaînes généralistes du privé.»
Pour la CGT, ce démenti de la direction ne convainc pas vraiment car l’affaire rime assez bien avec ce que nous dénonçons depuis si longtemps, à savoir l’accroissement du pouvoir des encadrants sur le contenu des sujets, la proximité idéologique avec le pouvoir politique quand on relaye par exemple les mensonges de Castaner sur la soi-disant invasion de la Pitié Salpêtrière par les gilets jaunes, ceux de Blanquer sur les soi-disant profs décrocheurs et qu’on offre une tribune quasi permanente à tous les membres du gouvernement pendant la crise sanitaire…
Après les opérations successives de fusion des rédactions du groupe, qui ont violemment mis à mal la diversité éditoriale au sein de France Télévisions, la direction ferait donc un pas supplémentaire dans ses velléités centralisatrices.
Elle imagine ainsi la création d’un poste dédié aux contenus politiques, et ce à deux ans d’échéances électorales décisives pour un pouvoir macronien en pleine déliquescence, aux prises avec un niveau de colère inédit depuis des décennies au sein de la population, et qui est parvenu à substituer au « gouverner c’est choisir » de Mendes France un « gouverner c’est mentir » lourd de conséquences.
En effet, ses choix politiques ont non seulement débouché sur des niveaux de tensions sociales et de répression extrêmement élevés, mais également sur une incapacité criante à gérer la crise du Covid-19 et ses conséquences dans des conditions sanitaires, politiques, économiques et sociales dignes de la 6ème puissance économique mondiale.
La conjonction de la détresse d’un pouvoir en grande difficulté, qui multiplie les tentatives pour contrôler l’information (loi sur les « fake news », loi Avia, accroissement des pratiques d’intimidation par les forces de l’ordre envers les journalistes considérés comme gênants…) et d’une centralisation accrue du regard sur les questions politiques au sein des rédactions est extrêmement préoccupante. C’est d’autant plus inquiétant lorsque ce choix est fait par une direction dont l’éventuelle reconduction dépend pour une part importante du pouvoir en question.
Dans la période incertaine que nous connaissons, les citoyens devraient pouvoir faire confiance, sans arrière-pensée, au traitement de l’information issu de l’audiovisuel public.
La CGT dénonce donc ce nouvel acte de centralisation, même inassumé car, dans le contexte actuel, il ne peut qu’aggraver la défiance importante qui existe déjà au sein de la population envers l’information en général, et saper la crédibilité du travail de nos collègues en particulier.
Enfin et pour clore ce palpitant feuilleton, la CGT inquiète mais charitable, lance un avis de recherche. Où est donc passé Alexandre Kara ? Depuis dix jours, nous n’avons aucune nouvelle. Va-t-il réapparaître sous une autre fonction qui n’aura pas le même nom que la précédente mais toutes les attributions ? Va-t-il trainer dans les couloirs du 8ème, comme une âme en peine ? Ou bien, comme dans le film Brazil de Terry Gilliam, s’installer à côté de celui qui a pris sa place et tirer le bureau qu’ils partagent à travers la cloison ? La direction nous doit des éclaircissements…
Paris, le 25 juin 2020
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Paris,
le 25 juin 2020