Pour croire nos dirigeants, il faut avoir la foi !
Nous avons assisté mardi à une représentation de la verticalité du pouvoir, à un Premier ministre droit dans ses bottes, qui justifie les décisions prises, tout en se défaussant, avec une fausse humilité, sur les scientifiques qui l’entourent.
La communication lamentable et presque criminelle (l’avenir le dira) sur le port du masque ? C’est pas moi, ce sont les scientifiques qui disaient que son mauvais usage pouvait être plus grave que son absence. Et puis tout d’un coup, il y a eu un change-ment de doctrine. Attention, au sommet de l’État, comme au temps de l’Inquisition, comme au Vatican, on applique maintenant une « doctrine ». Abracadabra, ce qui était vrai le 15 mars n’est plus vrai le 15 avril. Maintenant que les masques rentrent dans le pays, le Premier ministre invite les français à s’en procurer (pas gratuitement) ou à s’en fabriquer.
Ne pas mettre en place rapidement les conditions d’une campagne de tests à grande échelle? C’est pas moi. C’est la doctrine des scientifiques et de l’OMS qui disaient qu’en phase 3, il ne fallait tester que les personnes hospitalisées. Et puis la doctrine a changé. Et tout le monde doit dire amen !
Que n’a-t-on pas écouté ces petites voix, qui depuis le début démontrent que le masque porté par chaque interlocuteur fait tomber considérablement le risque de contagion !
Que n’a-t-on pas écouté les laboratoires d’analyse vétérinaire, qui depuis mi-mars clamaient haut et fort qu’ils pouvaient fabriquer 1000 tests par jour, sans que rien ne bouge !
Verticalité du pouvoir et communication erratique qui se sont répercutées jusque dans les arcanes de FTV.
Verticalité lorsque la direction se met à élaborer dans l’urgence un Plan de continuité de l’activité (PCA) qui n’existait pas jusqu’alors, et présente aux élu·e·s du personnel un power point de 40 pages qui n’est qu’un résumé d’un document classé confidentiel, sans possibilité de modifier quoi que ce soit.
La direction nous avait pourtant assuré le 24 mars qu’elle ne présenterait pas aux représentant·e·s du personnel un PCA clé en main, totalement verrouillé. C’est malheureusement ce qui est en train de se passer.
Communication sur les masques. A France Télévisions, on suit la doctrine et l’on communique à l’envie sur ses utilisations abusives. Un membre de la direction a même vu des cameramen mettre un masque sur leur caméra. Où ça ? Sur l’objectif ? Sur le viseur ? On se demande quel type d’image les dits cameramen ont pu ramener.
Le 27 mars, en CSSCT, cette même direction affirme avec assurance qu’à part en régie, il n’y a pas d’endroit au siège où l’on ne peut pas organiser le travail sans distance de sécurité.
Conséquence, en salles de montage, à l’infographie, dans les ascenseurs, dans les couloirs, les salarié·e·s se croisent sans masque. Certain·e·s viennent même au travail la peur au ventre.
Le gouvernement a beau nous présenter une étude montrant que près de 62 000 morts ont pu être évitées grâce au confinement, la confiance est perdue. Chiffre qui, soit dit en passant, a été repris sans regard critique par l’ensemble des médias, y compris France Télévisions. Mais puisqu’on suit maintenant des doctrines, on doit croire aussi à des vérités absolues ! Même s’il est maintenant établi que le gouvernement nous a menti, notamment sur les stocks de masques.
Et cette perte de confiance à l’égard du gouvernement descend, par ruissellement pourrait-on dire, sur ceux qui ont défendu et appliqué la « doctrine ».
On a pu voir ainsi la direction de FTV ne tirer aucune conséquence des chiffres de contamination donnés secteur par secteur. Ils montrent pourtant clairement que la direction dont le personnel est le plus présent sur site, la direction de l’information, est la plus touchée. Alors que celle où la quasi-totalité du personnel est en télétravail, la DRH, est quasiment indemne.
Les salarié·e·s eux, ont bien vu qu’en allant travailler au Siège, ils entraient dans une zone à risque.
Les salarié·e·s de certains services ont pris sur eux-mêmes de s’auto-organiser et de préconiser entre eux le port du masque. La direction, le 16 avril, en prend acte, sans plus, puis le 29 avril, rend le port du masque obligatoire sur tous les sites. Changement de doctrine !
Comme le rappelait mardi un député au Premier Ministre, dans une démocratie, il n’y a pas de consentement à l’autorité sans confiance dans la légitimité des consignes données.
L’entreprise n’est certes pas une démocratie, mais pour que les salarié·e·s de France Télévisions entrent avec confiance dans la phase de déconfinement, la CGT réclame une plus grande concertation avec les syndicats et les élu·e·s.
Dans une note confidentielle transmise à l’Élysée et au Premier Ministre, le Président du conseil scientifique insiste sur le besoin d’une démocratie sanitaire : il y a urgence, dit-il, à inclure et faire participer la société à la réponse au Covid-19.
En clair, ne pas laisser Jupiter et ses satellites, gérer seuls cette crise exceptionnelle.
Là encore, ce qui est valable au sommet de l’État peut s’appliquer au niveau de l’entre-prise, alors que des questions cruciales vont se poser à nous après le 11 mai.
Comment va-t-on réaménager les espaces de travail pour une meilleure protection des salariés ? A-t-on vérifié la fiabilité des thermomètres à infra-rouge depuis longtemps mise en doute par les salarié·e·s et les élu·e·s ? Va-t-on rendre obligatoire au sein de l’entreprise l’application Stop Covid alors qu’elle pose d’énormes problèmes de libertés publiques ? FTV va-t-elle, à l’instar d’autres grandes entreprises, proposer un dépistage à ses salarié·e·s pour sécuriser le retour progressif du personnel et dans quelles conditions ? Va-t-on laisser mourir à petit feu France 4 et France Ô alors qu’elles ont démontré leur utilité en cette période de crise ? Va-t-on maintenir une organisation des CSSCT issue des ordonnances Macron qui n’est pas du tout à la hauteur des enjeux sanitaires actuels ?
Autant de questions sur lesquelles les élu·e·s et organisations syndicales devront être écoutées, ou alors, ce sont les travailleurs eux-mêmes qui reprendront le contrôle sanitaire de leurs conditions de travail.
Paris le 30 avril 2020