Préambules CGT CSE Siège du 26 février 2020

L’information prise en otage par les petits chefs

Nous sommes encore dans un régime démocratique, où l’information est libre. Mais une partie des français, ceux qui notamment se mobilisent chaque jour contre les réformes du gouvernement, ne se reconnaissent plus dans leur télévision de service public.

Dès les premiers jours d’une grève historique, pas besoin d’être grand clerc pour voir à quel point l’information est orientée dans  un sens favorable au gouvernement.

Avant même le 5 décembre, les sujets du  20h de France 2 donnent le ton en parlant essentiellement des perturbations à venir et laissent à peine la parole aux syndicalistes.

Dès que la mobilisation est en recul, les JT insistent de manière caricaturale sur  la baisse des manifestants : dans un JT de France info, on a pu voir la présentatrice revenir au moins 5 fois sur cette information, à chaque retour plateau.

Les chiffres des manifestants ? On préfère donner ceux du cabinet Occurrence, dont le PDG a affiché ses liens avec Emmanuel Macron, même quand ces chiffres sont inférieurs à ceux de la préfecture.

Sur le fond de la réforme, on enjolive les choses, on donne le sentiment qu’il y aura autant, sinon plus de gagnants que de perdants, alors que l’on sait bien que tout le monde va y perdre, à part deux ou trois catégories.

La grève à Radio France ? Circulez, il n’y a rien à voir sur France télévisions.

La grève à France télévisions ? La direction ne prend même pas la peine de mettre un bandeau à l’antenne pour expliquer les rai- sons du mouvement.

La grève des enseignants ? Un seul sujet en une semaine au 20H, au plus fort de la mobilisation, et quel sujet ! Un rappel des sanctions encourues par ceux qui ont fait grève lors des épreuves du bac en juin. Si ce n’est pas une tentative d’intimidation, ça y res- semble.

La grève des éboueurs parisiens ? Toujours au 20H, c’est un désastre écologique et sanitaire. Pas un mot sur les revendications des grévistes. Le téléspectateur, en fin de compte, se dit que si les éboueurs  font grève, c’est uniquement pour empoisonner les parisiens.

Pendant ce temps, une chroniqueuse attitrée du week-end se permet de prendre la défense des syndicats réformistes contre les autres, présentés comme incapables de dialogue et rejetant tout en bloc. Et l’opposition parlementaire qui tente de faire barrage à cette réforme se voit qualifiée d’ « extrême gauche ».

De quelle neutralité parle-t-on lorsqu’au cours de l’émission « Vous avez la parole », la télévision de service public se livre à une vulgaire manipulation en présentant un invité comme « simple citoyen » alors qu’il est le mari de la maire LREM  du 5ème arrondissement de Paris et défend bien sûr le projet de réforme. Heureusement, les réseaux sociaux ont repéré la supercherie, mais comment en- suite, prétendre lutter contre les fake news ?

Si l’on en est arrivé là, si une bonne partie de l’opinion française se sent orpheline de son service public, ce n’est pas bien sûr parce que l’information est téléguidée depuis l’Elysée. Fini le temps de la censure et du Ministère de l’Information. C’est plus subtil que ça.

Si la rédaction nationale marche au pas, c’est parce que l’on a une information de petits chefs, qui décident de tout, tout le temps. Qui ordonnent de façon autoritaire et font descendre les commandes du haut vers le bas de la pyramide. Qui se permettent de dicter à des journalistes expérimentés la ma- nière d’organiser leur sujet, de leur donner des éléments de langage, de supprimer telle interview, telle séquence, telle tournure de phrase au montage parce que ça les ar- range. Ils sont les seuls maîtres à bord et ce verrouillage de l’information fonctionne à merveille en période de crise.

Oh bien sûr, vous pouvez vous opposer, résister, il vous en coutera des sanctions sur l’avancement, une mise à l’écart de certains JT quand ce n’est pas le licenciement pur et simple pour des motifs bénins. Il en résulte une peur, un mal être et une perte de sens  au travail.

La rédaction nationale est peuplée de journalistes compétents, consciencieux, engagés dans leur métier, qui se sentent aujourd’hui dépossédés de leur travail.

Des journalistes qui par exemple ont proposé à plusieurs reprises de faire des reportages sur la grève à Radio France, et dont les   demandes se sont heurtées au mur de la hiérarchie.

Des JRI qui ont filmé toute la journée une manifestation, ont interviewé des manifestants sur le sens de leur lutte, se sont pris des projectiles, des gaz, et au final ne voient qu’un plateau en situation à l’antenne.

Des journalistes qui aujourd’hui se voient im- poser des restrictions d’antenne exorbitantes s’ils ont des engagements politiques aux municipales, alors que l’encadrement, qui décide des vrais choix éditoriaux, a quasi- ment le champ libre et n’est tenu que d’en in- former son N+1.

Alors, pour que le SNJ-CGT ne soit pas taxé de syndicat contestataire, il fait  déjà quelques propositions :

Il demande par exemple que les journalistes qui font des propositions de reportages puis- sent les défendre systématiquement en con- férence de rédaction, et que l’encadrement ne soit pas le seul habilité à participer à cet espace de décision.

Il demande que les journalistes soient respectés en tant qu’auteurs de leurs reportages et que leur point de vue depuis le terrain prime sur les présupposés des rédacteurs en chef dans leur bureau.

Et puisqu’il est question, dans la nouvelle organisation de France télévisions, de passer en « mode projet », il demande que ce style de management non hiérarchique s’applique aussi à la direction de l’information, pour qu’une véritable intelligence collective produise une information de qualité, en phase avec l’ensemble de la société française.

Paris le 26 février 2020

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