Pas sans nous
« Ce qui est fait sans moi, pour moi, est fait contre moi » la fameuse phrase de Mandela prononcée lors du CSEC du 19 février sur les orientations stratégiques de France Télévisions, illustre bien l’état d’esprit de la représentation du personnel.
Bien évidemment, il ne s’agit pas de cogestion mais de la volonté d’avoir voix au chapitre, de mener le débat contradictoire, de pouvoir être acteur d’un destin collectif.
C’est une des caractéristiques de FTV d’avoir su construire un dialogue social de haut niveau qui lui aura permis d’aborder moult virages avec une efficacité reconnue de tous. La négociation de l’accord collectif et ses avenants, la création de franceinfo, le développement de notre industrie de programmes, la naissance du site de Vendargues, l’expérimentation NoA en Nouvelle Aquitaine.
On sait aussi d’expérience, que la dernière année de mandat des présidents en exercice est souvent une année à hauts risques sociaux à FTV, et ce, pour une raison simple. L’actionnaire, dopé par l’échéance de la reconduction, y voit l’opportunité d’imposer de nouvelles exigences.
Delphine Ernotte n’échappe à la règle. Marc Tessier, Patrick de Carolis, Rémy Pflimlin en ont fait les frais avant elle, chacun à sa façon. Le projet TNT cassé par Raffarin, la suppression de la pub décidée par Sarkozy, le plan d’économies drastiques imposé par Hollande. Mais avaler des couleuvres ne leur aura pas été d’une grande utilité.
Il faut reconnaître qu’Emmanuel Macron, quant à lui, n’a pas fait pas dans la dentelle. Le plan d’économies de 400 M€ d’ici 2022, directement issu des cogitations technocratiques du PAP 2022 visant à réduire de 60 Md’€ la part de la « dépense publique » dans le pays, est une aberration. Ses conséquences seraient insoutenables pour l’entreprise, à tous les niveaux. Stratégique, économique, social.
On voit d’ailleurs les prémices avec quelques-unes des idées contenues dans la note d’orientation stratégique fournie pour le CSE Central et qui ne manqueront pas de nourrir les débats du jour : l’absurde suppression du Soir 3, le projet de centralisation de la totalité de la diffusion au CDE, la filialisation de notre production déléguée au Studio.
La suppression nette de 1 000 postes du plan RCC (Rupture Conventionnelle Collective) via le départ de 2 000 seniors et l’embauche de 1 000 jeunes profils high tech (en admettant que cela soit faisable) ne permettrait pas à FTV de tenir son rang sur le linéaire et de réussir « en même temps » son indispensable transition sur le numérique.
Non seulement cela affaiblirait la place du service public en télévision classique, qui reste encore le mode de consommation privilégié de nos programmes, mais cela ne permettrait pas d’engager les investissements considérables pour nous permettre de rivaliser avec les géants du nouveau monde numérique et y inscrire durablement le service public.
Un effet ciseaux mortifère (beaucoup moins de moyens pour beaucoup plus de besoins) qui signerait le rétrécissement inéluctable de l’audiovisuel public, avec ses conséquences sur ses missions d’information, de création, de compréhension du monde, au moment où resurgit la bête immonde. Une prise de risque impardonnable. Une faute historique.
C’est la raison pour laquelle la CGT et maintenant FO ont marqué un coup d’arrêt à la négociation RCC, en exigeant la tenue d’un CSE Central extraordinaire sur les orientations stratégiques. C’est ce qui doit nous guider. La réflexion sur le projet stratégique dans sa globalité, puis un examen attentif des sous-projets qu’il implique, dans leur granularité la plus fine et leur ajustement social et humain.
Car ce n’est que comme cela que la suite pourra s’envisager, avec les salariés, pas sans eux car sinon ce serait contre eux.
Paris, le 21 février 2019
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